On vous a déjà dit que votre jambe gauche semblait plus courte que votre jambe droite, ou inversement ? Quand vous achetez un nouveau pantalon, vous ne faites l’ourlet que d’un seul côté ? Debout et statique, vous avez tendance à déhancher ?
L’inégalité de longueur des membres inférieurs concerne une forte proportion de la population et ses conséquences, autres que cosmétiques, sont variées.
L’asymétrie bilatérale de la longueur des membres inférieurs est appelée anisomélie ou inégalité de longueur des membres inférieurs (ILMI).
Selon certaines études, 90% de la population aurait une jambe plus courte que l’autre, avec une différence moyenne de 5,2 mm. C’est la jambe droite qui est majoritairement retrouvée plus courte. (1)
L’inégalité de longueur des membres inférieurs (ILMI) a fait l’objet de nombreuses recherches mais ses effets supposés délétères et donc sa prise en charge thérapeutique sont encore controversés.
Quelle en est la cause ?
Les inégalités de longueur de jambes sont généralement catégorisées en fonction du raccourcissement réel ou fonctionnel du membre inférieur. (2)
Jambes de longueur différente : inégalités structurelles ou anatomiques ?
Les ILMI anatomiques résultent d’une vraie différence anatomique de la longueur osseuse entre les 2 membres inférieurs (tibia et/ou fémur). Ces réelles asymétries peuvent être classées selon différentes causes :
- congénitale : présentes à la naissance
- développementale : présentes ou non dès la naissance mais s’accentuent
au cours de la croissance (pied bot varus équin, tumeurs, pseudarthrose congénitale du tibia, malformations vasculaires freinant ou stimulant la croissance osseuse…) - acquise : secondaires à un élément déclenchant (arrêt de croissance à la suite d’un traumatisme ou d’une infection, fracture de la jambe, prothèse de hanche ou de genou…)
Inégalités posturales ou fonctionnelles
Dans le cas d’inégalité des membres inférieurs fonctionnelle, encore appelée inégalité virtuelle ou fausse jambe courte, il n’existe pas d’asymétrie de longueur osseuse. Mais elle résulte d’anomalies biomécaniques et posturales dont l’étiologie est parfois difficile à déterminer.
Localement, elles peuvent être causées par une contracture ou une surprogrammation d’un groupe musculaire du bassin provoquant des pertes de mobilités et blocages dans différents plans de l’espace.
Mais leur origine peut aussi se situer bien plus à distance : pathologie oculaire (strabisme), contracture des muscles du cou, troubles de la proprioception, mauvais alignement de la cheville…
Ce nombre “infini” de causes rend son diagnostic peu évident.
La littérature décrit parfois une troisième catégorie chez le coureur qui s’adapte de manière inconsciente au dénivelé de la route : la jambe courte environnementale.
Longueur de jambe inégale : quelles en sont les conséquences ?
Comme nous l’avons relevé dans l’introduction de cet article, les effets supposés néfastes d’une inégalité de longueur des membres inférieurs sont discutés et les différentes études à ce sujet n’arrivent à aucun consensus.
Certains auteurs regroupent sous le nom de “syndrome de la jambe courte” un ensemble de signes et symptômes ayant pour origine possible une ILMI anatomique :
- lombalgie
- sciatalgie
- scoliose
- coxalgie ou douleur à la hanche
- gonalgie ou douleur au genou
- talalgie ou douleur au talon…
Ils sont associés à des pathologies comme l’arthrose de hanche ou coxarthrose, la bursite trochantérienne, la fracture de stress tibial, la fasciite plantaire, le syndrome des essuie-glaces… majoritairement du côté de la jambe longue.
Ils s’expliquent par les changements biomécaniques compensatoires de la jambe courte et les contraintes anormales subies par les structures adaptées.
À partir de combien de différence ces symptômes se manifestent-ils ? Là encore, pas d’accord en vue entre les différents partis. 5mm, 11mm, 30mm ? Il semblerait que ce ne soit pas tant l’importance de l’asymétrie mais plutôt son ancienneté qui occasionne les douleurs.
Harries (2000) affirme que les inégalités inférieures à 1,3 cm sont purement cosmétiques chez la plupart des gens, mais qu’une inégalité de plus de 1,0 cm peut causer des douleurs et, dans certains cas, nécessiter un traitement (ex : sportifs de haut niveau).
Quid des inégalités de longueur fonctionnelles ?
Les ILMI fonctionnelles sont dans la majorité des cas la résultante d’une adaptation posturale. L’hypertonicité musculaire qui en découle pourrait expliquer certaines douleurs.
Comment sont-elles diagnostiquées ?
Un déséquilibre au niveau de la ceinture pelvienne est fréquemment associé à une ILMI.
Dans le cas d’une jambe courte anatomique, la bascule du bassin est la conséquence adaptative de la différence de longueur osseuse. Dans celui d’une jambe courte fonctionnelle, la question se pose de savoir si cette bascule des crêtes iliaques est à l’origine de l’allongement ou du raccourcissement du membre inférieur.
Cette asymétrie, facilement identifiable par l’observation, n’est qu’une indication possible parmi d’autres amenant à rechercher une éventuelle jambe courte.
Différents examens, dont la fiabilité est contestable pour certains, permettent de confirmer le diagnostic.
Méthode directe du ruban à mesurer
Le thérapeute mesure à l’aide d’un ruban à mesurer la distance entre l’épine iliaque antéro-supérieure (repère osseux situé au niveau du bassin) et la malléole interne de la cheville puis compare les longueurs entre les 2 jambes. Cette méthode présentant certains biais, elle ne peut servir qu’à titre indicatif.
Radiographie standard
La radiographie standard mesure la différence de hauteur des têtes fémorales sur une image centrée sur les articulations des hanches. Cette asymétrie n’est cependant pas toujours synonyme de vraie jambe courte et certains troubles statiques comme un valgus ou un varus de genoux peuvent en être à l’origine.
Téléradiographie des membres inférieurs ou scanométrie
Cet examen radiologique permet de comparer la mesure de chaque segment jambier. Bien qu’il semble plus précis que la radiographie standard, la projection en 2D d’un objet en 3D implique toujours des sources d’erreurs.
EOS
Cette dernière technique, franco-québécoise, consiste en une reconstruction surfacique en 3D à partir de clichés radiologiques simultanés pris en charge de face et de profil. En plus de sa marge d’erreur très faible (inférieure à 1mm), la dose de rayons X émis est fortement diminuée (800 à 1000 moins que la scaniométrie).
Elle devrait être privilégiée en cas de suspicion d’inégalité de longueur des membres inférieurs.
Quelle prise en charge pour les ILMI ?
Selon le degré d’asymétrie, différentes méthodes sont préconisées pour corriger une ILMI anatomique. Alors que le port d’une talonnette compensatrice est souvent suffisant dans les formes minimes, la chirurgie sera indiquée lorsque la différence est trop importante.
Attention, la prescription d’orthèses plantaires aura des conséquences néfastes si l’ILMI est fonctionnelle. Assurez-vous de la véracité du diagnostic avant d’envisager quelque correction que ce soit.
Inégalité de longueur des membres inférieurs et ostéopathie
En cas de suspicion de jambe courte, vraie ou fausse, tous les patients devraient consulter un ostéopathe. Je m’explique.
L’ostéopathe possède une vision d’ensemble du corps humain. Il sait qu’une tension ou une restriction de mobilité sur une structure peut engendrer une adaptation sur une autre structure à distance de celle-ci. Il travaille à partir d’un schéma lésionnel : il tire sur le fil des dysfonctions retrouvées afin d’en saisir l’origine probable.
Le déséquilible résultant d’une ILMI est responsable d’un stress biomécanique par asymétrie de répartition des contraintes sur les différentes pièces musculo-squelettiques et sur les articulations dont la tolérance et leur absorption seront limitées dans le temps en fonction d’un grand nombre de facteur tant physiques (amplitude, fréquence, intensité et durée des sollicitations mécaniques), physiologique (alimentation et hydratation), climatique que psychique. (3)
En présence d’une ILMI fonctionnelle, le simple fait d’équilibrer les tensions et d’ajuster la posture du patient suffira à faire disparaître cette asymétrie.
Dans le cas d’une vraie jambe courte anatomique, l’ostéopathe n’a malheureusement pas le pouvoir d’allonger votre membre inférieur… ou de raccourcir son homologue. Cependant, rien ne l’empêche d’agir sur l’inconfort qu’elle pourrait provoquer, par exemple sur la colonne lombaire. Il travaillera de concert avec le podiatre afin de vous apporter un soulagement durable à cette inégalité de jambe.
Parfois, le traitement ostéopathique n’est pas suffisant pour régler un déséquilibre postural. Un bilan chez un posturologue est alors recommandé.
(1) K. Hensel & P. Crapo – short leg syndrome : a common cause of low back pain – Osteopathic Family Physician – Vol.8 nº6 – 2016
(2) E. Faudemer – L’inégalité de longueur des membres inférieurs : diagnostic différentiel – Mémoire d’initiation à la démarche de recherche – Diplôme d’état de Pédicurie-Podologie – IFPEK Rennes – 2019
(3) D. Bonneau – inégalité de longueur des membres inférieurs et médecine manuelle – ostéopathie – médecins du sport, 33, 02-2000, pp28-31
Note : Consultez toujours un professionnel et suivez les recommandations de votre médecin, ou professionnels de la santé qui vous accompagnent. Le soin d’ostéopathie ne remplace pas le suivi médical dont vous pouvez bénéficier.